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Moi je suis très inquiet

Je suis inquiet qu’aujourd’hui, en 2018, avec l’intelligence commune et l’expérience qu’on a  Il faille encore se poser cette question.

  • Après l’échec du lotissement des années 60, qu’on traine encore aujourd’hui
  • Avec les problèmes de mobilité croissants qu’on connait
  • Avec les problèmes que l’étalement urbain génère
  • Et avec les problèmes de climat

Comment cette question n’a-t-elle pas encore été résolue à l’échelle wallonne ?

Je suis loin d’être un spécialiste. Je suis architecte, donc en théorie un peu plus sensible à la question, que monsieur et madame tout le monde.

Alors évidemment j’ai été invité ici plus parce que j’habite à la Chartreuse, que parce que je suis un éminent spécialiste de la question.

Je vais essayer de ne pas trop parler spécifiquement de la Chartreuse, bien que ça permette de donner des exemples.

Donc la Chartreuse, c’est une ancienne caserne militaire

Quand l’armée est partie, plusieurs projets de reconversion ont émergé. Pilotés par la ville.

Puis le site est tombé en partie aux mains de promoteurs immobiliers.

Qu’ont fait les autorités ? Sous la pression des promoteurs, on a versé une partie du site en ZACC et on a fait un RUE, c’est-à-dire un rapport urbanistique et environnemental, qui est un document qui oriente la manière d’urbaniser le site.

En 2011, un permis pour un projet de 22 logements avait été octroyé à un des promoteurs. Heureusement pour la collectivité, ce projet n’était pas assez rentable, et n’a pas été réalisé.

Et puis en octobre 2017, le promoteur est revenu à la charge avec … 74 logements. Sans prévenir, aucune démarche participative, rien.

Alors on s’est mobilisé, et via cette mobilisation, plus de 5000 personnes ont dit non à ce projet.

Mais ce n’était pas simplement un « non on ne veut pas de ça chez nous ».

A priori on n’était pas contre l’urbanisation du site. On ne disait pas : vos logements, faites-les ailleurs. On a tout un temps demandé que le projet soit approprié au quartier, et qu’un plan global concerté soit décidé à l’échelle de tout le site.

Sauf qu’on a récemment découvert que, quand la défense est partie à la fin des années 80, le patrimoine a classé l’ensemble du domaine comme site. Dans l’arrêté de classement il est indiqué qu’il est interdit de dénaturer le site de quelque manière que ce soit.

Et donc effectivement, il faudra bien se faire à l’idée que ces logements, il faut les faire à un autre endroit, puisqu’à la Chartreuse, c’est interdit.

De toute façon

  • Ce projet était un mauvais projet d’architecture
  • Dans un mauvais projet d’urbanisme
  • Dans une non politique de développement territorial
  • Et par-dessus tout, sur un site classé

Donc Pour en revenir à la question : où ne pas construire du logement ? Certainement pas sur un site classé protégé par une loi qui interdit qu’on le dénature.

Au-delà de ça Où construire ?

Il n’y a pas si longtemps, le ministre Di Antonio a annoncé la fin de l’étalement urbain pour 2040. On ne va pas refaire le débat : c’est une nécessité, sinon on va droit dans le mur.

Qu’est ce qu’il faut faire ?

La phrase bateau, mais c’est vraiment ça : il faut reconstruire la ville sur la ville.

  • Il faut que l’offre évolue. Tant que l’offre ne bouge pas, la demande ne bougera pas non plus.
  • Il faut faire du logement dense et de qualité en ville.
  • Et il faut commencer maintenant.
  • Alors il faut évidemment des incitants publics, des plans, des schémas. Il faut que ce soit encadré, et que ça corresponde à des objectifs clairs.
  • Il faut des politiques fortes. Des pouvoirs publics forts.

Allez, par exemple quand on voit Bavière, depuis le temps que ça dure, comment les pouvoirs publics n’ont-ils pas eu le courage de reprendre la main sur le dossier ?

Mais il faut aussi mettre en place, dès maintenant, des processus qui permettent de changer les mentalités. Il ne faut pas que dans 20 ans on se dise : « mince, 2040 c’est maintenant, et on n’est pas prêt ». C’est exactement comme la sortie du nucléaire, depuis le temps qu’on en parle, quand l’échéance approche, on reporte parce qu’on n’est pas prêt.

Il faut que les mentalités aient mutées d’ici 20 ans, et ça doit commencer maintenant. Parce que ça prend du temps.

Pour caricaturer un peu

Prenez un jeune médecin qui sort de l’université, Quel est son idéal de vie ?

Son idéal, c’est une 4 façade à Embourg et les 2 BMW dans l’allée du garage.

Les mentalités doivent changer

  • il faut éduquer les plus jeunes dans les écoles
  • il faut donner envie d’habiter en ville
  • et il faut des outils qui permettent de rendre l’étalement urbain plus difficile.
  • Pourquoi ne pas prendre la décision forte de se dire : en 2020 à Liège il sera interdit de faire du 4 façades ?

Qu’on arrête avec ça. En 2018 ça n’a plus aucun sens de construire comme ça.

Alors on entend partout qu’il faut faire du logement à Liège parce que les finances publiques sont à sec.

D’accord, mais on ne peut pas laisser faire 400 logements à la Chartreuse ou 500 à Chênée sans avoir anticipé les problèmes que ça va causer.

Et on ne peut pas imposer au promoteur de régler tout ça.

Quand je parle de problème, c’est par exemple les infrastructures ou la mobilité.

A la Chartreuse, le RUE dit clairement que le réseau d’égouts est insuffisant et que sa capacité doit être augmentée.

Charge d’urbanisme. Débrouillez vous.

Pensez-vous qu’il soit logique de faire peser ça uniquement sur le promoteur, alors que la ville a besoin de ces logements, et qu’elle se frottera les mains des rentrées financières ?

Et au niveau de la mobilité :

Par exemple

A la Chartreuse, depuis le centre de la cour du fort, le premier arrêt de bus est à 500m

Est-ce un endroit où faire 400 logements ? Je ne crois pas.

Les problèmes d’infrastructure ou de mobilité : ça, ça démontre que certaines zones ne sont pas adaptées à la construction de logements.

Alors oui on pourrait améliorer, pour que ça devienne faisable

Mais il devrait y avoir d’autres priorités

Il faut construire ou reconstruire dans le centre

Il faut des projets de logements de qualité, dense

  • Près des gares,
  • Le long de la ligne de tram.
  • Et là où toutes les infrastructures sont disponibles : Transports publics -Réseaux d’énergies et de communication – Égouts – Écoles Bureaux – commerces

Alors on parle de milliers de nouveaux logements à Liège. Donc ça veut dire : plus d’habitants.

A côté de ça

Est ce qu’on a prévu d’augmenter l’offre de transport en commun ? La capacité des écoles ? Engager des policiers, des pompiers, augmenter la capacité d’accueil des services publics ?

Il ne faut pas oublier que le fonctionnement de la ville devra correspondre à l’augmentation du nombre d’habitants. Et ça, ça coute aussi.

Poser la question où construire, c’est aussi poser la question : comment construire ?

Je suis d’accord qu’il faut proner un urbanisme et une architecture de qualité.

On est en train de faire les lotissements de Fayenbois et du Pré aily.

Ok les prescriptions pronent une architecture de qualité.

Oui mais c’est tout le modèle qui est dépassé.

Est-ce ça la pointe de l’urbanisme en 2018 ? Est-ce que c’est ça qu’on fait de mieux aujourd’hui à Liège ?

Il faut aussi penser que le sol va devenir extrêmement rare, il faut l’utiliser intelligemment.

Il faut pense qu’on en aura aussi besoin pour se nourrir.

On a la chance d’avoir un professeur d’urbanisme ici

Alors moi je voudrais bien savoir

Monsieur le Professeur, Sincèrement et objectivement, est ce que les derniers projets de méga quartiers ;
rejetés par une partie de la population

  • est-ce qu’ils un prônent un urbanisme de qualité ?
  • est-ce que ces quartiers sans diversité architecturale et au niveau de la population, des ghettos en quelque sorte
  • est-ce qu’ils sont vraiment les quartiers de demain ?
  • est-ce que ces quartiers, qui ressemblent à des clos privés, sont ils un plus pour la collectivité ?
  • est-ce comme ça qu’on construit l’espace public ?
  • est-ce comme ça qu’on doit laisser le sol être géré ?

Ne peut-on pas faire mieux ?

Il y a dans notre ville Des territoires, Qu’il faut absolument préserver

  • Parce qu’ils sont des respirations dans le paysage
  • Parce qu’ils appartiennent à la collectivité, au commun
  • Parce qu’ils ont un intérêt historique, environnemental ou patrimonial
  • Ou parce qu’ils ne sont simplement pas adaptées pour accueillir du logement.

Construire, c’est aussi agir sur le paysage. C’est le façonner, le modifier. De manière irréversible. Il faut faire cela intelligemment,

Et le faire intelligemment, ça ne coute pas plus cher.

Ubaniser à tout prix chaque centimètre carré qui ne l’est pas encore, ça n’a pas de sens non plus.

Aujourd’hui, si on fait la Chartreuse, demain, qu’est ce qui empêchera de faire les coteaux de la citadelle ?

Il y a par contre des axes, des terrains, qui doivent être prioritaires

J’ai parlé des gares, de la ligne de tram, Bavière est prioritaire depuis des décennies,

Il y a aussi les axes structurants qui drainent du passage : la route de Fléron, la route du Condroz, mais s’il vous plait, avec un autre urbanisme que Fayenbois ou le Pré Aily.

  • On a besoin de plans d’urbanisme forts
  • De politiques fortes
  • Qui durent plus longtemps qu’une législature
  • On a besoin de pouvoir identifier les enjeux
  • De les planifier sur une carte, avec une vision d’ensemble
  • Et on a aussi besoin de schémas à diverses échelles
  • Depuis enjeux larges, jusqu’aux objectifs urbanistico-architecturaux

Qui a la clé ? d’une part les pouvoirs publics, qui doivent donner les impulsions et initier les projets

Et d’autre part les promoteurs. Car eux seuls ont la force de frappe requise pour construire comme il le faut aujourd’hui, c’est-à-dire de manière dense, en hauteur …

Donc eux aussi doivent s’entourer d’architectes et d’urbanistes qui voient au delà que la rentabilité imposée.

Aujourd’hui, quand vous êtes promoteur à Liège; Les pouvoirs publics, on va les voir uniquement pour déminer le terrain; Pour voir « si ça va passer »

Avec parfois un volte face de la part de la ville quand ça suscite trop de réactions.

Vous savez, à la Chartreuse, au début de l’enquête publique en 2017, à la ville on nous a dit que le projet allait se faire. 5000 réclamations plus tard, le discours c’était plutôt « mais vous ne pensiez pas qu’on allait laisser faire ça »

Alors que le promoteur avait déjà montré plusieurs esquisses à la Ville.

Donc je crois qu’il ne faut pas non plus oublier le citoyen, qui de plus en plus se sent acteur de son cadre de vie.

Il n’est pas trop tard

Mais il faut se bouger les fesses

Et par dessus tout, il faut faire ça avec une vision globale, supra communale, et avec un vrai urbanisme visionnaire adapté aux enjeux et problématiques qui nous concernent tous aujourd’hui.