MUTATIONS
Un schéma directeur prometteur
Au début des années 80, l’armée veut fermer la caserne de la Chartreuse. Le site est abandonné, et le Ministère de la Défense nationale veut vendre le complexe. La Ville de Liège mesure l’enjeu d’une réaffectation de ce site classé tant pour son intérêt historique qu’environnemental.
En 1994, en concertation avec tous les acteurs, le Département de l’Urbanisme étudie un schéma-directeur qui évalue les potentialités et y propose le développement d’un pôle multifonctionnel (jeux et détente, logements…). Ce schéma est approuvé par le Conseil communal le 27 juin 1994. Le Fort est placé en zone d’intérêt historique, et d’aucuns peuvent supposer que sa reconversion sera en lien avec son histoire : musée, activités culturelles …
La partie boisée du site est acquise par la Ville en 1998 et transformée en parc urbain. Pour la partie bâtie du Fort et des anciennes dépendances, les contraintes sont multiples : le contexte immobilier peu favorable et la transformation de la zone en zone d’aménagement différé (ZAD) entraînent un blocage juridique. Le site clos, inséré au milieu de la végétation, se laisse facilement oublier malgré l’intérêt manifesté par les Liégeois lors des Journées du Patrimoine et des visites régulièrement organisées.
Opérations immobilières
En 2004, un promoteur se propose de réaffecter la partie bâtie du site. Son étude propose de rénover l’ensemble des bâtiments et de les dédicacer au logement. Il n’aura toutefois pas les capacités financières suffisantes pour concrétiser son projet. Mais le mouvement est relancé. La législation sur les ZAD évolue et permet enfin de mettre en œuvre ces réserves foncières. Ayant anticipé la réforme du CWATUP, la Ville de Liège est la première à faire approuver son plan communal de priorité de mise en œuvre des ZAD (PCZAD) La Chartreuse est une des cinq ZAD prioritaires.
Entre-temps, l’Armée met le Fort et ses abords en vente publique. Le bien est acquis pour un peu plus d’un million d’euros par une société immobilière en octobre 2003. L’objectif de cette société n’est pas de développer un projet, mais de réaliser une plus-value spéculative par la revente du site par morceaux. Le site est dès lors divisé en trois lots : le Fort hollandais, les bâtiments 1930, tous deux acquis par la société Immo Chartreuse, et le solde du site comprenant les terrains extérieurs aux Fortifications le long du Thier de la Chartreuse et la zone des bâtiments annexes. Cette dernière part est acquise par la Société SIMFI du groupe MATEXI qui propose un projet d’aménagement sur base d’une «charrette» urbanistique. Ce projet constitue un guide d’autant plus précieux que, le CWATUP évoluant à nouveau, les ZAD deviennent ZACC (Zones d’Aménagement Communal Concerté). Dès lors, un rapport urbanistique et environnemental (RUE) est requis pour leur mise en œuvre. Le RUE est un outil légal qui permet d’orienter l’urbanisation d’une ZACC.
Charrette urbanistique et RUE
La Charrette urbanistique est un atelier où se réunissent tous les acteurs, afin de discuter tous ensemble d’un projet. Le but est de faire avancer les choses plus vite ; l’ensemble des protagonistes étant autour de la table, cela est censé être plus efficace qu’une série de réunions bilatérales.
Organisé sous l’impulsion des promoteurs, il n’est pas étonnant de voir que cet atelier donne lieu à un nouveau schéma directeur vouant totalement la partie bâtie du site au logement. Le projet de reconversion de cette zone du site implique la construction de villas et d’immeubles à appartements dans et autour de l’enceinte Fortifiée.
Les effets de cette charrette doivent être formulés légalement, et sont donc intégrés au RUE nécessaire à l’urbanisation de la ZACC.
Le RUE, voté en 2008 par le Conseil Communal de la Ville de Liège, impose deux choses essentielles. D’une part un phasage, et d’autre part des densités.
Le RUE prévoit que la reconversion du Fort passe obligatoirement par une première phase d’urbanisation qui consiste à construire de 60 à 80 logements le long du Thier de la Chartreuse. A terme, entre 240 et 340 logements devraient être construits à l’intérieur du périmètre du site classé, avec des effets en totale opposition avec les effets dudit classement : déforestation, modification du relief du sol, démolition de bâtiments …