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Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les Échevins,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Cet automne, l’avis d’urbanisme lancé sur la Chartreuse a provoqué une réaction citoyenne forte et structurée qui a persuadé le promoteur de retirer prudemment sa demande de permis. Un Air de Chartreuse, et les quelque 5.000 citoyens mobilisés pour la préservation et la mise en valeur du site, se sont évidemment réjouis à l’annonce de cette décision.

Passé ce moment de réjouissance, une question cruciale a fait son chemin : avons-nous réellement été entendus, ou le silence qui entoure aujourd’hui ce dossier est-il une accalmie avant un nouvel avis de tempête?

L’avenir incertain du site de la Chartreuse nous pousse à poursuivre notre démarche citoyenne, dans le même état d’esprit constructif, mais combatif, que celui qui nous animait cet automne. C’est la raison pour laquelle nous vous adressons cette lettre ouverte.

Site de grand intérêt biologique

Le site de la Chartreuse est reconnu comme site de grand intérêt biologique (SGIB) pour sa biodiversité exceptionnelle. La fiche de classement indique d’ailleurs que le projet de lotissement est considéré comme une menace.

Inventaire du Patrimoine Culturel Immobilier

Le site de la Chartreuse est également classé comme site à l’Inventaire du Patrimoine Culturel Immobilier (IPIC), au même titre que la Place Saint Paul, le Jardin Botanique, le Parc de la Boverie, la Place de Bronckart, ou encore les Coteaux de la Citadelle. Ce classement est la reconnaissance officielle de la valeur patrimoniale d’un bien et une mesure de protection destinée à assurer sa conservation, son entretien et, si nécessaire, sa restauration, en lui garantissant la mise en œuvre de techniques spécifiques déterminées en fonction de ses qualités exceptionnelles propres.

Arrêté de classement de la Région Wallonne

Enfin, le site de la Chartreuse est protégé par un arrêté de classement de la Région Wallonne du 31 octobre 1991 en raison de sa valeur esthétique et scientifique. Cet arrêté protège en principe le site de toute intervention qui aurait pour effet de le dénaturer, et de toute forme d’urbanisation. Des constructions ponctuelles, en lien avec le site, ne sont peut-être pas impensables, mais un lotissement entier serait en contradiction totale avec les objectifs de protection.

Le Département du Patrimoine de la Région wallonne (AWaP) a déjà attiré l’attention sur cette situation de droit et mis en évidence les conséquences d’un classement sur la gestion d’un site classé.

L’article 2 de l’arrêté de classement interdit ainsi aux propriétaires d’apporter, ou de laisser apporter au bien, un changement définitif qui en modifierait l’aspect. Il leur est notamment interdit :

1° de modifier les constructions existantes ou d’en ériger de nouvelles sans que les plans aient été au préalable soumis à l’avis de la Commission royale des monuments, sites et fouilles (Pour mémoire, en 2011, la Commission a rendu un avis négatif dans le cadre d’un précédent projet moins ambitieux de 22 logements porté par le même promoteur) ;

2° d’effectuer tous travaux de nature à modifier le relief du sol, l’aspect des lieux ou de la végétation ;

6° d’abattre, de détruire, de déraciner ou d’endommager les arbres ;

7° d’ériger toute installation quelconque (fixe, mobile, provisoire ou définitive), servant d’abri, de logement, ou à des fins commerciales.

Un projet global de qualité

Nous pensons que tout projet de reconversion du site de la Chartreuse qui ne tiendrait pas compte de son double classement (IPIC et SGIB), et de la protection que lui assure l’arrêté de classement de la Région wallonne, devrait être écarté. Par conséquent, pour prévenir tout nouveau projet inapproprié qui, immanquablement, suscitera une nouvelle levée de boucliers, nous demandons que les lignes de force qui baliseront sa reconversion soient (re)définies de manière à faire émerger un projet global de qualité.

En d’autres termes, nous demandons la révision globale du Rapport Urbanistique et Environnemental (RUE) adopté en 2008, puisque c’est ce document qui oriente l’urbanisation de la ZACC de la Chartreuse.

Nous pensons également que ce RUE nouveau, ou plutôt ce SOL (Schéma d’Orientation Locale), pour reprendre la nouvelle terminologie du Code du Développement Territorial :

  • devrait être contraignant (actuellement, le RUE n’est qu’un document qui donne des orientations dont il est trop facile de s’écarter) ;
  • devrait prendre en considération, de manière plus forte, les préoccupations exprimées par les citoyens lors de l’enquête publique ;
  • devrait porter des options d’aménagement concrètes, fermant ainsi la porte à des projets qui aménagent ces options au gré du vent ;
  • devrait prendre en compte les transformations dont le site est témoin depuis trente ans ;
  • devrait prendre en compte le désintéressement manifeste affiché par Immo Chartreuse pour son bien ;
  • devrait être en accord avec les problématiques de notre temps (protection de l’environnement, renforcement du maillage vert, qualité de l’air, mobilité douce, accès pour tous à un espace vert à proximité, rebâtir la ville sur la ville, etc) ;
  • devrait prendre en compte, et sublimer les caractéristiques qui ont justifié le double classement du site ;
  • devrait acter que l’inscription à l’Inventaire du Patrimoine Culturel Immobilier est un geste fort posé par le législateur wallon en faveur de la protection du site de la Chartreuse, avec des conséquences et des obligations qui s’imposent aux propriétaires, comme aux rédacteurs d’un RUE ;
  • devrait tenir compte du chapitre XVII (Construction menaçant ruine) du Règlement sur les bâtisses et les logements et plus particulièrement de l’article 151, alinéa 4, qui stipule que si le propriétaire tarde ou refuse de réparer ou d’étayer son bien qui menace ruine (in casu, le Fort), les travaux sont, sur ordre du Bourgmestre, effectués d’office, aux frais du propriétaire.
Avancer lentement, mais sûrement

Nous ne sommes pas naïfs ; le chantier est immense et nous n’avons pas la prétention de sortir en quelques semaines ou mois LE plan global qui mettrait fin aux années de tergiversations et d’incertitudes sur l’avenir du site de la Chartreuse. Nous sommes également conscients que nous n’avons pas toutes les cartes en main puisqu’une partie du site est aux mains de promoteurs immobiliers (Matexi et Immo Chartreuse).

Ceci dit, le découpage du site de la Chartreuse n’est pas un obstacle à une série d’actions que nous pourrions entreprendre à court terme, et qui participeraient à cette dynamique de réappropriation et de valorisation du site de la Chartreuse que la Ville a lancée avec le projet Value Added.

Nous souhaiterions en discuter avec vous et vous persuader que le jeu en vaut la chandelle.

Invitation

Nous vous invitons donc à venir parcourir le site avec nous, au moment qui vous conviendra. Nous sommes convaincus que cette balade sera le meilleur plaidoyer que nous puissions faire pour la Chartreuse, à laquelle bien des étiquettes ont été collées ces trente dernières années, sauf celle qu’elle mérite vraiment : un site remarquable.

Nous sommes également impatients de connaître vos intentions concernant Immo Chartreuse, le devenir du Fort, dont la construction commençait il y a tout juste 200 ans, ou encore les zones dont la Ville est propriétaire, mais dont elle ne s’est pas encore préoccupée.

Dans l’attente de vous voir ou de vous lire, nous vous adressons, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les Échevins et les Conseillers, nos cordiales salutations.

Un Air de Chartreuse